Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'intérieur,
Vu l'ordonnance no 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, notamment son article 35 bis ;
Vu la loi no 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;
Vu le décret no 98-503 du 23 juin 1998 pris pour l'application de la loi no 52-893 relative au droit d'asile et relatif à l'asile territorial ;
Après avis du Conseil d'Etat (section de l'intérieur),
Décrète :
Art. 1er. - Les étrangers qui font l'objet des mesures définies à l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée sont maintenus sur le territoire dans des centres et locaux de rétention administrative conformément aux conditions prévues au présent décret.
Art. 2. - Sous réserve des dispositions du titre II, les étrangers mentionnés à l'article 1er sont maintenus en rétention dans les établissements dénommés « centres de rétention administrative » et figurant sur une liste fixée par arrêté conjoint des ministres de la justice, de l'intérieur et de la défense et du ministre chargé des affaires sociales ; ces établissements sont créés par le préfet territorialement compétent.
Art. 3. - Les centres de rétention administrative ont vocation à recevoir les étrangers mentionnés à l'article 1er, sans considération du lieu de leur résidence ou du département dont le préfet les a placés en rétention.
Art. 4. - Les centres de rétention administrative doivent disposer de locaux et d'espaces aménagés ainsi que d'équipements adaptés de façon à assurer l'hébergement, la restauration et la détente des étrangers, à leur permettre de bénéficier des soins qui leur sont nécessaires et à exercer effectivement leurs droits.
Un local du centre est mis de façon permanente à la disposition des personnes qui ont reçu du préfet l'habilitation mentionnée à l'article 13.
Art. 5. - Les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative bénéficient d'actions d'accueil, d'information, de soutien moral et psychologique et d'aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ, pour lesquelles l'Etat dispose de l'Office des migrations internationales. Une convention détermine les conditions d'affectation et d'intervention des agents de cet établissement.
Pour permettre l'exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative, l'Etat passe une convention avec une association à caractère national, ayant pour objet la défense des droits des étrangers.
Art. 6. - Les conditions de vie des étrangers maintenus dans les centres de rétention administrative ainsi que les modalités de l'exercice de leurs droits font l'objet d'un règlement intérieur propre à chaque centre et approuvé par le préfet territorialement compétent ; ce règlement doit être conforme à un modèle fixé par arrêté conjoint des ministres mentionnés à l'article 2.
Art. 7. - Le chef de centre est nommé par le préfet du département où se trouve le centre de rétention administrative et, à Paris, par le préfet de police.
Art. 8. - Le chef du centre de rétention administrative a autorité sur l'ensemble des personnes qui concourent au fonctionnement de celui-ci ; il et notamment chargé :
1. Du respect des conditions nécessaires à l'exercice de leurs droits par les étrangers maintenus en rétention ;
2. Des actions sociales dont bénéficient les étrangers maintenus en rétention dans les conditions prévues à l'article 5 ;
3. De la mise en oeuvre des conventions passées avec des organismes extérieurs, publics ou privés ;
4. De la tenue du registre de rétention, dont un modèle est fixé par arrêté des ministres mentionnés à l'article 2, et de sa communication au procureur de la République ;
5. Des mouvements des étrangers maintenus ;
6. De la sécurité à l'intérieur de l'établissement, en faisant appel, le cas échéant, à l'unité ou au service désigné à l'article 16.
Art. 9. - Lorsque les circonstances de temps ou de lieu font obstacle au placement immédiat d'un étranger qui est l'objet d'une mesure prévue à l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée dans l'un des centres mentionnés à l'article 2, l'intéressé peut être placé en rétention dans d'autres locaux adaptés à cette fin désignés par arrêté préfectoral ; ces locaux peuvent être ouverts de manière temporaire lorsque les besoins n'exigent pas leur ouverture permanente.
L'arrêté mentionné à l'alinéa précédent est notifié immédiatement au procureur de la République, au directeur des affaires sanitaires et sociales ainsi qu'à l'association mentionnée à l'article 5.
Art. 10. - Le placement dans les locaux prévus à l'article 9 présente un caractère provisoire. Sa durée ne peut excéder 48 heures s'il existe un centre de rétention dans le ressort du tribunal administratif ou de la cour d'appel dont le président ou le premier président sont appelés à statuer, en application du I de l'article 22 bis ou du quatorzième alinéa de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée.
Dans le cas contraire, l'étranger peut être maintenu dans ces locaux de rétention, soit jusqu'à la date à laquelle le président du tribunal de grande instance ou, s'il y a appel, le premier président de la cour d'appel a statué sur la demande de prolongation de la rétention, soit, le cas échéant, jusqu'à la date à laquelle le président du tribunal administratif a statué sur le recours de l'intéressé à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière dont il fait l'objet.
Art. 11. - Les étrangers maintenus dans les locaux de rétention peuvent bénéficier du concours de l'association mentionnée à l'article 5, à leur demande ou à l'initiative de celle-ci, dans les conditions définies par la convention précitée.
Art. 12. - Le préfet qui a pris l'arrêté de placement en rétention exerce les compétences relatives à cette procédure jusqu'au terme de celle-ci, quel que soit le lieu où est situé l'établissement de rétention administrative dans lequel l'étranger est maintenu.
Art. 13. - Les membres désignés par l'association mentionnée à l'article 5 et agréés par le préfet territorialement compétent pour le centre ou le local dans lequel leur intervention est envisagée reçoivent une habilitation du préfet donnant accès au lieu de rétention.
Art. 14. - Pendant la durée de leur rétention, les étrangers sont logés, nourris et soignés à titre gratuit.
Les soins qui leur sont assurés font l'objet d'une convention passée, pour chaque centre ou local, entre le préfet territorialement compétent et un établissement hospitalier, selon les modalités définies par arrêté conjoint des ministres chargé des affaires sociales, de l'intérieur et de la défense.
Art. 15. - Lorsqu'un étranger maintenu dans un centre ou dans un local de rétention demande à bénéficier de l'asile territorial, l'audition prévue à l'article 2 du décret du 23 juin 1998 susvisé est assurée par un agent d'un service spécialisé d'une préfecture. A titre exceptionnel, lorsque les contraintes dues à la distance où se trouve le lieu de rétention par rapport à la préfecture ou aux délais dans lesquels doit intervenir l'audition le justifient, les agents de l'Office des migrations internationales affectés dans ce lieu peuvent procéder à cette audition, dès lors qu'ils ont été désignés par le préfet et spécialement formés à cet effet.
Art. 16. - Le préfet du département où se trouve le centre ou le local de rétention administrative, et, à Paris, le préfet de police, désigne par arrêté l'unité de gendarmerie ou le service de police compétent pour assurer la garde de cet établissement.
Art. 17. - Un arrêté conjoint des ministres mentionnés à l'article 14 fixe, respectivement pour les centres et pour les locaux de rétention administrative, la liste des équipements nécessaires à l'hébergement dans des conditions satisfaisantes des étrangers qui y sont maintenus.
Art. 18. - Les centres et les locaux de rétention administrative seront mis en conformité avec les dispositions de l'arrêté mentionné à l'article 17 dans un délai de trois ans suivant la publication du présent décret.
Art. 19. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de l'emploi et de la solidarité, la garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 19 mars 2001.